Bon, ben ça y est, depuis hier après-midi, c'est officiel, le film s'arrête.

Le ministre, voyant que c'était pas très bon pour l'image du Somaliland cette histoire de clan qui sape un projet, a bien essayé de nous convaincre en acceptant qu'on donne zéro francs et en nous promettant une escorte militaire en permanence. Mais le clan aurait-il vraiment laissé tomber ? Et le gouvernement aurait-il vraiment eu l'envie et les moyens de nous payer une escorte durant plusieurs semaines ? Le risque sécuritaire paraissait un peu grand. Et c'était aussi un risque financier, car plus les jours avancent, plus ça coûte de l'argent, et si le projet capotait dans deux semaines, pas sûr que les assurances nous suivraient, et plouf pour nos deux producteurs.

Bref, trop de risques. Donc pas de film.

On prépare nos valises.

Dernière nouvelle de la matinée : la famille d’Abdi (soutenue par le clan bien sûr) porte plainte contre la production pour assassinat de leur fils !

Souvenez-vous de la petite histoire : Abdi, somalilandais vivant à Amsterdam, écrit un petit sujet de film, qui plait à Guillaume. Puis le scénario est écrit par un hollandais. Puis de l’argent commence à arriver pour le film. Puis Abdi meurt.

Quelques précisons maintenant : Abdi disparaît durant plusieurs semaines. Son corps est retrouvé dans un canal d’Amsterdam, coincé et déchiqueté entre les hélices d’un bateau, la braguette du pantalon ouverte. Une autopsie est faite : en état d’ivresse, il aurait pissé dans le canal, serait tombé dans l’eau givrée à cette époque-là, donc aurait été assommé sur la glace et aurait glissé et stagné sous l’eau durant plusieurs semaines avant de finir sous l’hélice du bateau. Un tragique accident. Mais bien entendu, l’autopsie n’est qu’une autopsie, il n’y aucun témoin de l’accident. Et la famille d’Abdi dit maintenant qu’il y a eu assassinat, que quelqu’un a assommé Abdi. Ça faisait déjà longtemps que certaines personnes du clan disaient que symboliquement nous étions responsables de sa mort, car Abdi était connu pour avoir une vie dissolue… bref la Hollande l’aurait dépravé !

Donc, le tournage non-commencé s’arrête officiellement. Les producteurs français et hollandais ont écrit des emails aux assureurs, aux partenaires, aux associés…mais aussi aux ambassades au Kenya, en Ethiopie et à Djibouti. Et maintenant, on va voir ce qu’il se passe par rapport à la plainte de la famille, si les producteurs sont inquiétés ou non, si le ministère réagit en bien ou en mal (du genre : aucun membre de l’équipe ne quitte Hargeisa). On commence à voir les billets d’avions, la production compte le cash qu’il leur reste ici.

A suivre…